4 avril 2008

Catastrophes pédalantes (2)

Le précédent article n'étant qu'une entrée, j'espère qu'il vous reste un peu de place pour avaler la suite. Bon appétit!

Catastrophe numéro cinq: Eidsvåg, bled moyen au fond du Langefjord. Bien que je ne sois plus dans les montagnes, où que se pose mon regard il y a 30 cm de poudreuse, sauf sur la plage de graviers noirs marécageuse mais un éclair de lucidité m'incinte à ne pas y planter ma tente par crainte de me réveiller au petit matin au mileu de l'océan Atlantique. Et j'ai constaté avec le lendemain avec un certain plaisir que j'avais eu raison et que j'avais évité une galère. Mais ça me faisait vraiment chier de dormir sur la neige alors qu'il allait faire moins dix la nuit. Je commence donc à questionner les gens et j'apprends qu'il y a un camping d'ouvert pas loin, j'aurais plus de rensiegnements au "next stop". Au next stop c'est une personne que j'identifie instantanément comme ma princesse salvatrice qui m'aceuille et m'indique la route à suivre. Un peu plus haut un panneau indique hytte, et une petite route grimpe sec vers le dit camping. Un type qui me fait étrangement penser à Bob de la série Twin Peaks (un très méchant pour ceux qui ne connaissent pas) et qui parle à peine l'anglais me fait un peu galérer puis me guide à travers un champ de neige parsemé de quelques cabanes de bois. Zéro endroit déblayé pour une tente, d'ailleurs le type me conduit à une de ces cabanes, ouvre la porte, et la je vous dis qu'il doit y avoir un certain nombre de rangées de fagots dans les murs car dedans c'est fauteuils en cuir, lave-vaiselle, plaques chauffantes, jolie déco... Evidemment Bob veut au moins 200 kr soit 30 euros pour ma nuit. C'est mort. Par ailleurs il me fait comprendre que pour mettre ma tente sur quelque allée du camping où la neige est tassée, je peux crever la gueule ouverte. Il commence à faire noir et je me tire vite fait. Bob me souhaite bonne chance un peu comme si il se faisait de la peine pour moi... Comme dirait Marcel, pas trop zéro le type!

Catastrophe numéro six: un peu plus bas sur la route, une magnifique ferme rayonne par ses luxueux entrepôts, confortables garages, et la perle: un atelier gigantesque au plancher tout simplement irrésistible. Convaincu d'être arrivé au paradis (et tant mieux car ça commence à cailler monstre,) je sonne à la maison. La fermière me répond du premier étage qu'elle ne parle pas anglais et que je ferais mieux de demander à l'homme là bas. Il n'y a pas d'homme là-bas et comme je commence à avoir l'impression que tout le monde se fout de ma gueule dans ce pays je m'apprète à sonner encore une fois lorsque l'homme là-bas arrive enfin en sauveur à bord d'un immonde 4x4. Catastrophe! Bob, en personne! Non je ne peux pas dormir dans l'atelier ni les entrepôt, non le garage non plus et je ne peux pas mettre ma tente derrière la ferme car... c'est illegal! Oui, bonne chance c'est ça. Je prend mes pédales à mon cou et retourne le plus vite possible au château de la princesse pour me réfugier bien loin de la zone d'influence maléfique de Bob!


Je demande à voir la princesse et lui explique ma situation de pédaleur errant en plein désespoir. Visiblement compréhensive, elle discute avec une de ses courtisanes, puis envoye un pigeon voyageur. La réponse me parvient aussitôt: c'est une dame qui m'a vu me matérialiser à côté de ses chevaux dans l'après-midi, et qui ne veut pas lire quelque chose comme "un jeune français a été retrouvé mort dans un bloc de maroilles congelé" chanté par les bardes le lendemain. Un carosse va venir chercher monsieur. Je passerais donc ma nuit au chaud dans les écuries royales, super! La fille de l'écuyer en personne, qui apprend à manier les rênes, me conduit jusqu'à ma demeure provisoire: salon, cuisine, salle de bain, deux chambres à coucher et un radiateur rien que pour moi! La maîtresse de maison me propose un contrat: je peux rester deux nuits ici en échange de quoi... je traduirais son site internet en français! En ce moment paroxysmique du voyage à vélo tel que tout pédaleur errant en rèverait, je commençais à réaliser le nombre incroyable de fagots que j'avais dû laisser derrière ma roue...

La journée suivante fut désespérément vide de toute catastrophe, et éclairée par un soleil réconfortant, et j'en ai profité pour faire 70 kilomètres de vélo pépère en aller-retour le long d'une très jolie route à flanc de montagne juste au-dessus de la mer dans le Langfjorden, observant les magnifiques vallées glaciaires sur l'autre versant du fjord. Le jour suivant je me décidai, serein et content de mon week-end, à prendre le bus pour Trondheim, et garder le lundi, dernier jour de Pâques, pour me reposer chez moi. Mais vous pensez tout de même pas que j'allais terminer comme ça!


Septième et dernière catastrophe: sur la ligne qui passe par les écuries, il y a un bus par jour en cette période fériée. Quelle fût ma surprise lorsque je me voyais monter dans le bus, après avoir vérifié trois fois que c'était bien marqué Trondheim sur l'avant, et que le conducteur ait accepté de prendre mon vélo et mes vingts kilos de bagages dans la soute comme si tout le monde faisait comme ça! Trois cents couronnes pour aller à Trondheim, whoâ c'est cher, mais bon tout se passe si bien que ce serait vraiment con de pas les payer. Sauf que... Ayayaye! J'ai que cent soixante-dix sur moi! Je n'avais pas encore ma carte bleue internationale, mais quelques euros à échanger. Je paye jusqu'à la première escale et profite de l'arrêt pour courrir désepéremment de banque en distributeur, de supermarché en hotel, mais évidemment tout est fermé. Je me voyais déjà galérer à parcourir les cent cinquante derniers kilomètres que je n'aurais pas pu payer à vélo en pleine nuit! C'était sans compter le petit groupe de bûcherons musclés qui s'avançaient désormais vers moi. De ces corps luisant de sueurs, me surpris-je à songer, de ces énormes bouches béantes desquels pendaient des langues épaisses, de cette posture dressée dans une rigueur exemplaire, émanait une puissante attraction que l'on aurait pu aisément ressentir jusqu'outre Atlantique, pour peu que l'on soit sensible à ces choses-là. Avant même que je n'aie pu songer à payer le prix fort pour mon ticket de bus, la Terre se mit à trembler violemment et je pus sentir une nette déflexion de la gravité vers le nord-ouest. Et c'est alors mes amis, que j'ai vu de mes yeux vu, une gigantesque matraque de plusieurs dizaines de mètres de diamètre; que dis-je, une dublanchâsse, terrasser mes malfaiteurs potentiels d'un puissant coup de... enfin je suppose que vous pouvez vous représenter la scène, surtout toi J-A. Une fois de plus, un homme, simulé par les chaleurs magmatiques d'une île à la beauté sauvage, avait sous-estimé ses mensurations. Je vous laisse imaginer aisément par quels moyens de transport j'ai pu regagner en quelques minutes mon lit douillet à Trondheim, par-delà fjords et plateaux.

1 commentaire:

les zéros du TAO a dit…

J'ai l'impression que cette histoire se termine en eau de boudin...
Dublanch